La France aime la politique, et malgré l'élection de Chirac, ou peut-être à cause d'elle, les français ne peuvent trop longtemps se satisfaire d'esbrouffe et d'incohérence. Pas plus que de déni des réalités. Après le 21 avril et le 29 mai, il y avait deux manières de sortir de la crise. Soit par le haut, en renouvelant le genre et en refondant la démocratie. Soit par le bas, en allant encore plus loin dans la démagogie et dans l'instrumentalisation des médias.
Sarkozy devrait se méfier. Il s'est habitué à la complaisance, à une permissivité quasi totale qui le conduisent à oser beaucoup, à oser trop. Dernier exemple en date, "C'est d'ailleurs une maladie française de penser que quand on vote une loi, on résout un problème", un détail relevé par Olivier Bonnet. Bientôt il va finir par se persuader lui-même que les violences ont reculé, et probablement qu'au moment de sa démission il va de nouveau tenter de nous en convaincre, mais là pourrait être son erreur. Les français n'acceptent plus les dénis de réalité, ou moins facilement que les interviewers TV.
D'un autre côté, les français, ce peuple politique donc, ont aussi du mal à accepter l'absence d'éloquence. Ségolène, c'est la renonciation aux beaux discours, plus douloureuse qu'on ne le croyait. Mais c'est aussi la possibilité, pour une femme déterminée à ne pas répéter les erreurs de la gauche, d'arriver au pouvoir. Les français devraient donc finir par voir que la compétence, ce n'est pas de commettre des vibrants appels au consensus. La vraie compétence politique, c'est de vraiment tirer les lecons du 21 avril, en allant chercher le peuple sans rien concéder à Lepen. Les incompétents en politique, ce sont ceux qui ne font rien pour aller chercher les abstentionnistes, rien pour renouveler la démocratie, et qui se servent du 21 avril pour justifier l'abandon des valeurs républicaines.
Un exemple parmi d'autre qui illustre cet antagonisme: le slogan "tout devient possible" avait en fait été utilisé d'abord par Ségolène Royal, sauf que sarkozy ne l'a repris qu'à moitié. Le slogan complet de Ségolène était: "Seule, je ne peux rien, avec vous, tout devient possible". Que sarkozy aie, sciemment, supprimé le début est significatif. Cela renvoie au classicisme de la confrontation, déjà évoqué.
Dans cette dernière ligne droite, on voit ressurgir le clivage distinctement. Sarkozy a tenté d'amener le débat sur la question de l'immigration de la pire des façons. Face à cela, Ségolène a reposé la question de la crise démocratique avec la 6ème république. Elle a raison d'amener le débat sur ses thèmes forts à elle. On peut simplement regretter qu'elle ne recadre pas le débat en disant aussi ce qu'il y a à dire sur la droite. Il faut alors que les français s'attachent à voir de quel coté se trouve la cohérence, le souci de la réalité, l'exigence du changement, et où se trouve la comédie, le narcissicisme, la fiction.
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PS1: Pour les amateurs de politique digne mais vigoureuse, voir le discours de DSK.
PS2: le programme de sarkozy est toujours introuvable. Je parle du programme du candidat, pas celui de l'UMP. le programme du candidat avec des choix arrêtés sur tous les sujets sur lesquels il a louvoyé pendant ces 2 mois. Voir sur sarkozy.fr, cliquer sur "consulter mon programme". Rien n'a nougé depuis l'article en date du 22 février. Toujours la même autocélébration creuse. Les videos qu'on trouve en page d'accueil sont d'ailleurs de plus en plus délirantes dans le culte de la personnalité. Réveillons-nous!