Insistons sur un volet trop peu relevé dans cette panoplie bien remplie de la voyoucratie politique. C'est ce que le député UMP Gilles Bourdouleix a appelé le "49-3 présidentiel", utilisé à ses dépens. Le principe est simple: imposer une mesure majoritairement rejetée, en l'occurence le discours du président devant le parlement, et malgré ce rejet déclencher un vote solennel du parlement, de sorte à contraindre les réfractaires à voter oui pour ne pas provoquer de crise du régime. C'est une sorte de jugement de Salomon à l'envers: on donne l'enfant à celle qui était prête à le sacrifier plutôt qu'à celle qui y a renoncé pour le sauver. Une manoeuvre parmi les plus retorses dont use et abuse Vicelard 1er, et qui illustre assez bien que là où certains admettent sans toujours l'avouer une sorte de "supériorité" de sarkozy, il y a en réalité une capacité à s'exonérer des règles communément admises dans les sociétés civilisées. De quoi s'arroger le qualificatif de chef, de son état. Mais certainement pas d'homme d'Etat. Mais qui donc parle de voyou?
Ce triste épisode parlementaire est par ailleurs éclairant sur le "cas" Lang. Un cas d'école, hélas.
Le billet précédent signé des "Left-Blogs" dit ce qu'il faut de son comportement, mais on peut même être plus sévère. Que Jack Lang soit en faveur d'un régime présidentiel, soit. Et même, qu'il vote dans un sens contraire à son groupe au nom de cette position, cela l'expose à sanction, voire exclusion du PS, mais on peut faire de la politique honorablement sans cette étiquette, et cela ne le condamne pas moralement.
Non, le vrai problème est que Jack Lang baigne tellement dans le jus sarkozyste qu'il est en train de s'y noyer. Entendons-nous: s'il avait été un personnage si intègre, tel qu'il se dépeint avec complaisance, Jack Lang se serait contenté de faire savoir son vote et son explication motivée sur le fond. Or il est en réalité tellement rentré dans le jeu sarkozyste que cela ne peut être totalement le fruit des circonstances. Son expression a chaque fois été pour cautionner, souscrire, valider les messages successifs du pouvoir, jusqu'à en reprendre parfois les mots, visant en particulier à falsifier la perception de l'enjeu aux yeux de l'opinion, couvrant par son bruit médiatique le message du PS, plus exigeant et qu'il convenait donc au contraire de ne pas gêner. Saluons sur ce point l'excellent discours d'Arnaud Montebourg.
Dès lors, il faut aborder un sujet il faut bien le dire un peu tabou à gauche. Celui des relations excessivement personnelles que certains dirigeants ont accepté d'entretenir avec nicolas sarkozy. Ceux-là répètent volontiers que "nicolas est adorable en privé". En effet, sarkozy s'y entend à draguer le mondain dans l'intimité, à coups de flatteries, et Lang n'était pas le moins disposé à cet exercice, de surcroit grand amateur de clinquant. Comme il n'y a pas de raison que ce qui marche avec les journalistes ne marche pas avec d'autres, on a donc entendu Djack fredonner de manière plus ou moins volontaire la petite musique qui l'a longuement bercé dans la promiscuité d'avec le pouvoir.
Il n'est malheureusement pas le seul. Si Djack a été essentiellement victime de sa coquetterie, d'autres ne sont pas beaucoup moins mûrs. Par exemple celui que, hasard, Djack a d'abord tenté de soutenir, Julien Dray. "Juju" n'est pas soupçonnable de traitrise, néanmoins il croit pouvoir conjuguer le rôle de premier opposant et maintenir des rellations on ne peut plus cordiales avec celui auquel il doit s'opposer. Dray est victime, lui, de sa passion pour la mécanique politique, ce qui l'a conduit à confier publiquement une forme d'admiration pour la superbe machine bien huilée qu'a pu représenter un temps l'UMP. On sait qu'il a été sollicité à plusieurs reprises, à différents moments, par sarkozy. Est-il conscient que si sarkozy cherche à l'amadouer, c'est aussi pour s'attirer des indulgences inattendues y compris à gauche? Toujours est-il que le style des critiques de Dray font rarement très mal, et que leur nature porte un peu souvent sur la forme. La dénonciation des "habiletés" peut toucher juste, mais ne peut-on soupçonner ce tacticien réputé de gouter celles-ci autant qu'il les condamne? "L'élu de banlieue" n'est-il pas fasciné par les manières de caïd qu'il déplore?
Dans ce registre, même la poignée de main de Daniel Cohn-Bendit après son discours enflammé suscite une gêne. Et on pourrait difficilement arrêter là la série sans évoquer Manuel Valls, mais cet article est déjà un peu long...
Cette question de la distance nécessaire pour frapper sans retenue là où ça fait mal devra être intégrée, d'une manière ou d'une autre, dans le choix du premier secrétaire. On y reviendra.
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PS1: Les "Left-Blogs" commencent modestement à se structurer. Un billet commun (le précédent sur sauce) a été coécrit, peut-être une prémisse de travaux collectifs futurs?
Nicolas J., Rénovation PS, Marc Vasseur, Intox2007, Trublyonne, Maxime Pisano, Betapolitique, Jon, Donatien, la pire racaille, et peut-être d'autres, l'ont publié. [un lien ici à chaque blog qui reprend le post, me le signaler].
PS2: le discours de Montebourg en vidéo