Le moment médiatique qui s'est ouvert après le 2e tour est rude pour les nerfs. Ca tape sur le système. Bien sûr, on connaissait déjà puisqu'il suffisait de mettre la télé ces 5 dernières années pour assister à l'affligeant spectacle de commentateurs invertébrés faire leurs gammes sarkozystes, mais il y a eu la parenthèse relative de la campagne. Eh bien c'est reparti et ça ne risque pas de s'arrêter. Ca agaçe pas mal. La tentation est forte de tout envoyer ballader, plutôt que de tenir un blog en apnée en prenant une bouffée périodique d'info non-frelatée le mercredi. Se casser comme disait Yannick.
Je vais l'avouer, c'est plus souvent la télé que j'ai eu envie de casser, du coup j'en ai plus. Le problème, c'est que ça atteint la radio, même france culture. C'est l'extension du domaine de la pensée TF1 qu'on constate avec un mélange de rage et de dépit. Par exemple en écoutant "l'esprit public" ce dimanche (on y reviendra). Et puis en lisant Joffrin dans libé, censé porter un vague esprit critique, mais qui chante "jolie alouette" devant le miroir tendu par nicolas. La télé, la radio, les journaux, 53% des français qui avalisent, les sondages bidon qui complètent la célébration. On se dit "mieux vaut entendre ça que d'être sourd", mais à force on se demande.
Au quotidien, dans les conversations, on a l'impression de vivre dans une réalité projetée, on est en décalage parce qu'on est pas "rentré dedans", dans une interprétation. En fait voilà: c'est le festival de cinéma qui a commencé. Les acteurs, sur le tapis rouge, n'ont besoin que de paraître, quoi qu'il fassent, il sera crié au génie, chaque facétie sera applaudie, tout cabotinage fera se pâmer les spectateurs. Monter les marches, c'est gravir l'Everest. Un sourire et le public communie. Quelques autographes et même les plus rétifs sont conquis, qui viennent poser sur la photo.
Lors de la projection du film, j'avais pourtant cru à un gag tellement le scénario était téléphoné, les acteurs qui en font trop, la déco factice, le doublage guignolesque, le sous-titrage appuyé. Mais non, à la sortie on m'a expliqué que c'était une superbe et très réaliste fresque héroïque. Un peu à la Robert Hossein quand même. Les gens sont sortis de là comme illuminés, portés par la foi qu'ils ont dans leur surhomme, dans une sorte de béate sidération. Pour eux, ça baigne... dans le jus sarkozyste. Confits dans la fiction. C'est la confiction, tiens.
Alors pour éviter ça: le canard évidemment, comme on disait précédemment. Pas le confit. Celui qui a été perquisitionné. Pour résumer l'affaire on ne fera que le citer: "Ne pas protéger les sources, c'est, à coup sûr, les tarir". L'histoire du fax de l'avocat de sarko est sans intérêt. Pour s'en convaincre il faut lire le canard, en fait il faudrait que tout le monde lise le canard, c'est une question d'hygiène. Sans le canard, s'informer devient un acte de foie gras. C'est se faire gaver par le dircab de sarkozy qui est parti entretenir l'élevage de cerveaux disponibles, à la tête de TF1.
Par exemple, la glose à propos du non-vote de Cecilia. Dans le brouhaha sur le caractère privé ou pas (en fait les registres sont publics et donc le non-vote aussi), on a fait une curieuse impasse sur un rappel pourtant utile. Les lecteurs du canard savent que Espérandieu, qui a passé l'article a la trappe, doit son maintien à la tête du JDD à sarkozy, lequel ne souhaitait pas que son emprise mediatique soit trop voyante. "Espé" a même bénéficié d'une entrevue place beauvau. Lagardère a reçu un coup de fil de sarko qui voulait s'assurer de ce maintien. Alors peut-être que Espérandieu est de bonne foi, mais pourquoi ne pas donner toutes les informations, même celles qui ne vont pas dans le "bon" sens? Est-ce que vraiment le directeur du JDD est en situation de déplaire à celui à qui il doit son poste? Tout cela se sait dans les diverses rédactions mais entre collègues il semble qu'on soit... comment dire... charitable.
Autre exemple avant d'en finir: Tout le monde a appris que sarko a rejoint le yacht de bolloré en prenant l'avion de bolloré, ou plutôt du groupe bolloré. Mais tous ceux qui en ont parlé n'ont pas utilisé les mêmes mots pour le commenter. Il y en a qui se sont félicité de cette "absence de complexes". Mais il n'y a que dans le canard qu'on a utilisé les mots que tout le monde avait sous le nez: "abus de bien social". Ben oui, l'avion, il appartient au groupe bolloré, pas à monsieur bolloré, il est pas fait pour les amis, mais pour les affaires. A moins que nicolas soit considéré comme une relation d'affaires?
Dernier détail: quelqu'un a-t-il vu qu'on s'intéressât au mystérieux soubressauts du patrimoine de nico? Pas plus. Pourtant c'est mieux quand c'est clair non?