[illustration avec l'autorisation de l'excellent Boben]
Il apparait de plus en plus clairement que les législatives sont superflues, comme d'ailleurs le parlement. La lucidité devrait commander de cesser la mascarade en les supprimant, les choses seraient plus claires. Ce n'est pas sûr que ça gênerait grand monde, au fond. Sarkozy a été élu démocratiquement et cela semble suffire à beaucoup. Se débarrasser d'un parlement inutile ferait des économies, d'autant que les députés sont des absentéistes chroniques. Et quand il s'y passe quelque chose, les trois quarts ont un rôle de figurant et regardent passer les trains. Le job est loin d'être exténuant pour la plupart, à l'exception des rares commissions non-fictives dans lesquelles certains courageux produisent des rapports et enquêtes dont personne ne tient compte.
A l'étranger, on comprend mal qu'il faille voter quatre fois en deux mois pour obtenir un résultat chaque fois confirmé et renforcé par le fait que la décision se dessinait déjà précédemment. Pour expliquer cette spécificité, les commentateurs sont prompts à sortir la dissertation d'usage censée décrire notre système. Des développements proches de la poésie évoquent un président un peu évanescent, "au-dessus des partis", "de tous les français" (etc). En gros sarko aurait été élu pour sa sagesse et pour être garant de la constitution. Un rôle que les italiens ou les israéliens, à la rigueur, pourraient rapprocher de ce qui se fait chez eux. Le problème, c'est que non seulement le caractère artificiel de la posture est manifeste pour peu qu'on s'y attarde deux secondes, mais dès lors que ce même personnage prend pleinement le contrôle de l'exécutif et la tête du gouvernement, l'exercice de style institutionnel tourne à la blague. Et la garantie de la constitution aura duré 3 jours.
Dès lors que le suffrage plébiscitaire décidé en 1962 se conjugue avec l'inversion du calendrier et le quinquennat décidé en 2000, l'équilibre institutionnel ne tient plus qu'au bon vouloir du président, car contrairement aux états-unis, pas d'élections mid-term. La séquence électorale française frise l'absurde: le 6 mai, le chef d'état chef de gouvernement est donc désigné. Lui et ses ministres -qu'il a nommés- vont au devant de leurs homologues européens -avec les inévitables poignées de main et sourires sur le perron-, annoncent les mesures, tout ceci avec la couverture médiatique qui convient, comme il se doit. On voit que la forte visibilité et l'effet de légitimation des premiers jours du nouvel exécutif rend aberrante l'idée que cela se superpose avec une nouvelle campagne électorale qui supposément pourrait tout remettre en cause.
Ce bégaiement électoral a aussi pour conséquence de dévaloriser encore davantage les parlementaires. Le timing fait que la couleur de la chambre découle de celle de l'élysée, ce qui induit une redevabilité des sarko-députés envers celui qui leur a finalement volé la victoire qu'ils étaient censés remporter par eux-mêmes.
Le caractère parlementaire de notre démocratie est fictif.
Alors on objectera: "supprimer le parlement, OK, ça fera du pareil au même, mais même un pouvoir personnel a besoin qu'on lui fasse un retour sur la conduite de son action!". Pas de problème. Ceux qui ont été attentifs ces cinq dernières années ont pu se rendre compte que sarko se fout pas mal de ce que peuvent lui dire les députés d'opposition ou de son propre camp. Le retour son, ce sont les instituts de sondage qui le lui apportent. C'est beaucoup plus pratique, et l'opinion, c'est tout un métier dans lequel sarko excelle.
Le remplacement des représentants par les sondages devrait d'ailleurs être le premier thème de travail de la gauche si elle veut encore jouer un rôle ces dix prochaines années. Il faudra en reparler.