La démission du ministre de l'intérieur s'est donc ensuivie d'une bataille, mais pas de chiffres comme on l'avait annoncé. Une bataille, une vraie, immédiatement suivie de fumigènes médiatiques comme il se doit. En effet, pendant plusieurs jours on aurait pu croire que, dans cette affaire de la gare du nord, l'"information" portait sur le fraudeur, puisque le pedigree annoncé -et contredit- de ce dernier occupait le gros des développements journalistiques. Or le seul élément factuel intéressant, ce sont les violences. Traduction politique: les voyageurs voyagent-ils tranquillement, comme cela a été promis en 2002? la réponse a été donnée par 6 heures d'émeutes.
Partant de là, le candidat de la droite est en droit de nier la réalité et de continuer à proposer la même recette qu'en 2002. L'électeur, lui, a le devoir de le dire quand le plat qui repasse sent le cramé, quoiqu'en dise le cuisinier.
Au delà des faits, sur le fond, il y a aussi à redire. Beaucoup de choses justes ont été dites ailleurs (et ici), mais il faut tout de même insister sur la posture qui génère ces situations inextricables qui caractérisent le bilan de sarkozy. Sa manière d'être libre est de s'enferrer dans une logique binaire. Voilà un responsable politique qui, en laissant croire qu'il se saisit des questions, en réalité s'en dessaisit. Son credo est de faire simple et automatisable: à une situation correspond une loi, qu'il s'agit de faire respecter. La réponse à apporter est donc "blanc" ou "noir". Or cette robotisation est contraire au métier politique, qui est de s'intéresser au dialogue avec la collectivité dont il a la charge. A défaut de cette valeur ajoutée politique, robocop remplacera avantageusement l'agité de beauvau.
Derrière l'apparente logique sarkozienne il y a bien une désertion de poste. Ce politique se veut en réalité préfet de police: on ne saurait accuser un fonctionnaire d'exécuter sa tâche. Il renonce sciemment à sa liberté, donc d'une certaine manière à sa responsabilité. Clemenceau disait que la guerre était une affaire trop sérieuse pour la laisser à des militaires. Dit autrement, l'objectif du militaire n'est pas la paix mais la victoire. On pourrait en dire de même de la posture dans laquelle sarkozy ne peut plus se sortir. Cette posture est intrinsèquement liée à son personnage: balayer la complexité quitte à nier la réalité, simplifier quitte à amalgamer, et une fois que le champ ainsi arrasé est prêt, traiter avec une solution rudimentaire, sans retenue. Un vandalisme politique qui a appauvri le débat public, détruit les outils alternatifs et fermé les options trop élaborées.
S'il était élu, sarkozy ne pourrait pas plus sortir de son schéma fondamental qu'aujourd'hui. Son discours reste le même qu'en 2002, les résultats seraient les mêmes. Il faut stopper les dégâts.