
C’est qu’ici l'ambigüité (l’habileté?) est de prétendre interpeller sur le contenu, quand la démarche interpelle en réalité sur le processus censé le déterminer, c’est ce que signale très justement Eric Dupin. Disons tout de suite qu'interpeller le PS sur son fonctionnement est au moins aussi légitime que sur ses idées, comme on va le voir, mais les ségosceptiques ont surtout dégoupillé (1) en constatant les manières inchangées de la dame: se dérober sur le fond, imposer sa personne et, parce que son dispositif rassemble tout le monde à première vue, nier implicitement la contradiction.
Malgré cet agacement (recherché?), retenons l’essentiel: Ségo souligne que la question du fonctionnement du parti est clairement à l’ordre du jour (voir l’agenda acté en conseil national), et elle mérite d’être débattue. Même si je ne retirerais rien de ce que j’en disais en 2006, voyons quelles sont les problématiques:
Sérier les sujets pour permettre un choix à la carte et non uniquement de grands menus.
C’est l’idée la plus intéressante, formulée à l’origine par Cambadélis au conseil national le 25 mars (2). Au congrès du Mans par exemple, plusieurs idées intéressantes émanant de motions minoritaires n’ont pas été retenues, et c’est gâcher la richesse du parti (voir la motion Utopia par exemple). Mais la méthode de Ségolène diffère nettement de celle de Cambadélis, et pour tout dire la fourvoie : Là où il voulait que le congrès comporte un vote de type référendaire avec plusieurs réponses pour chaque question, Ségolène liste ses questions pour établir son programme de travail et ne dit pas par quel processus les choix seront opérés. L'idée de voter au congrès pour les différentes réponses, question par question, est-elle maintenue? ou sera-ce un ensemble indissociable?
Lever l'opacité relative de la remontée des contributions venant de la base.
Le PS organise en principe cette remontée "bottom-up", chaque section envoyant une "contribution" au niveau fédéral et ainsi de suite (pour ce congrès, dépôt fin juin). Dans la pratique c’est une tartuferie, et les militants de base ne savent jamais vraiment ce que deviennent ces bouteilles à la mer. Pour autant, la démocratie participative façon Ségo offre-t-elle plus de garanties en la matière?
En réalité, lors d’un congrès, tout se passe au moment des "motions" (pour ce congrès, dépôt fin septembre). Elles sont construites par les équipes de leurs principaux signataires et sous leur autorité, à charge pour elles de piocher ce qui leur convient dans les contributions précédemment remontées, d’y mettre de l’ordre en y intégrant les éléments émanant des conseillers et autres experts de leur réseau.
Il est douteux que Ségolène procède différemment.
Ce qui la distingue est que l’appel à contribution est public, plus large, et cet "appel au public" est intéressant. Le PS, qui doit œuvrer à son ouverture, pourrait endosser la démarche au stade des contributions. Dommage que Ségo ne l’ait pas proposé avant le conseil national censé statuer sur ces sujets.
L’appel au public a pour contrepartie le caractère non-délimité du périmètre des contributions. Si c’est adapté au stade des contributions, où doit s’exprimer la créativité, cela l’est moins au stade des motions, qui doivent être débattues dans les sections par les militants. Or, quoi qu’en disent certains commentateurs, tout le monde n’est pas d’accord au PS, ni sur le contenu, ni sur la stratégie :
* Si les idées défendues par la social-démocratie sont aujourd’hui dominantes, il serait injuste d’écarter les conceptions défendues par Mélenchon, Fabius ou Hamon sans débat.
* Ségolène semble vouloir reconduire ses méthodes possiblement jusqu’à 2012. C’est l’objet de ce billet que de montrer que cela fait débat.
Comme dit précédemment : "L'émergence de propositions saillantes ne se fait pas dans la tambouille mais dans la friction". Ou comme dit Moscovici : "il n’est pas obligatoire d’être rébarbatifs ou illisibles pour gagner un congrès".
Du fait de la méthode et de cette relative évanescence, la question de l’existence d’une "motion Ségo" reste donc posée: le produit de son opération de démocratie participative aura-t-il vocation à être débattu dans les sections, dès lors qu’il sera probablement présenté comme la "motion des français"?
Désignation pour 2012 : quand et comment ?
Contrairement à beaucoup de militants, les ségolénistes ont un candidat (une candidate) pour 2012. Leur volonté de la voir investie au plus tôt est compréhensible, mais la ferveur de ses supporters, très attachés à sa personne et assez organisés, inquiète les contradicteurs. Un de ses principaux soutiens propose même une désignation plébiscitaire avant le congrès. Bref, il semble que la stratégie de 2007 ne soit pas remise en cause, si ce n’est les faiblesses désignées par les ségolénistes, qui conduisent selon eux à ceci: désignation précoce puis discipline sans faille. Ceci assorti d’une théorie type "There Is No Alternative": pas d’autre candidat possible…

Ceci alors que la confrontation est aussi la seule manière, paradoxalement, d’obtenir ensuite non seulement la discipline mais une vraie implication, dès lors que chacun aura pu valablement défendre ses vues:
Les convictions défendues par le PS au niveau national doivent l’être principalement par celui ou celle qui les aura principalement défendues -victorieusement- au sein du PS.
Pour finir sur une note plus poétique, terminons ce long billet par la voix de Boileau:
Aimez donc la raison: que toujours vos écrits
Empruntent d'elle seule et leur lustre et leur prix:
Si le sens de vos vers tarde à se faire entendre,
Mon esprit aussitôt commence à se détendre.
Il est certains esprits dont les sombres pensées
Sont d'un nuage épais toujours embarrassées;
Le jour de la raison ne le sauroit percer.
Avant donc que d'écrire apprenez à penser.
Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L'expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Et si ces mots vous ont heurté, sachez que:
Un sage ami, toujours rigoureux, inflexible,
Sur vos fautes jamais ne vous laisse paisible :
Il ne pardonne point les endroits négligés,
Il renvoie en leur lieu les vers mal arrangés,
Il réprime des mots l'ambitieuse emphase;
Ici le sens le choque, et plus loin c'est la phrase.
Votre construction semble un peu s'obscurcir;
Ce terme est équivoque, il le faut éclaircir.
L'ouvrage le plus plat a, chez les courtisans,
De tout temps rencontré de zélés partisans;
Et, pour finir enfin par un trait de satire,
Un sot trouve toujours un plus sot qui l'admire.
(1): Au rugby, certains joueurs aiment à "titiller" leurs adversaires. Quand ceux-ci réagissent violemment, on dit qu'ils "dégoupillent". Cela les pousse souvent à la faute, ce qui était recherché.
(2): intervention au Conseil National du 25 mars - «Si notre prochain congrès, c’est à nouveau des motions totalisantes, qui sont, en fin de compte, l’expression de petits partis qui, du début jusqu’à la fin, traitent tous les problèmes de la société, eh bien mes chers camarades, les Français ne s’y retrouveront pas. Le problème qui nous est posé, c’est de faire un congrès utile et pour cela, il serait bon, au lendemain de notre convention qui nous réunira, j’espère, sur la question de la déclaration de principe, de fixer nous-mêmes les questions, la dizaine de questions ou les cinq questions, ou les douze questions, peu importe, mais les questions en rapport avec ce que à quoi sont confrontés les Français, auxquelles nous aurons à répondre. Ce sont des questions pratiques, ce sont des questions stratégiques, des questions politiques, mais c’est à partir d’un certain nombre de questions que nous devons débattre et trancher l’orientation politique, sinon, nous resterons chacun dans nos boutiques.»
Fabien 11/11/2008 17:31
Nihadyou 19/05/2008 12:27
Eric 09/05/2008 20:14
JOKER 23/04/2008 19:41
Martin P. 16/04/2008 21:59