Le décret anti-cagoule, outre ce qu'il a d'ubuesque et démagogique du point de vue sécuritaire, n'est pas non plus totalement anodin du point de vue des libertés publiques, et il fait même étonnament écho à... la loi Hadopi.
Dans les débats autour de la loi Hadopi, il y a entre autres pas mal de contresens autour de la notion d'"anonymat". Pour faire peur, on confond l'usage de pseudonymes avec l'anonymat pur, pour imposer l'idée d'un web où des tas d'inconnus sont prêts à faire n'importe quoi et surtout le pire.
Or, si beaucoup de blogueurs usent d'un pseudonyme, c'est pour conserver un anonymat bien particulier: celui aux recherches Google, entre autres.
Le principe est simple:
* Le blogueur politique assume toutes les opinions exprimées sur son blog, face à d'autres commentateurs et acteurs politiques, ou face à des relations privées, et d'ailleurs ils sont assez nombreux, souvent, ceux qui connaissent l'identité de l'auteur de tel ou tel blog.
* En revanche, le blogueur n'a pas nécessairement à assumer le rôle d'une personnalité publique. Si un employeur tape son nom dans google, si un flic cherche dans un fichier du ministère de l'intérieur, ou encore si un service marketing cherche à recueillir des informations sur lui, son blog n'a pas à y apparaitre s'il ne le souhaite pas.
Voilà pour l'"anonymat" sur internet, qui n'est qu'une protection de la vie privée.
Pour une manifestation c'est pareil, et si on en doute il est urgent de prendre note de deux éléments de l'actualité technologique relativement récente:
* Des logiciels de photo sont aujourd'hui capables de reconnaitre un visage parmi des milliers de photos.
* Des appareils photos sont capables de prendre des milliers de gens d'un seul coup sur lesquels chacun est reconnaissable, comme on peut le voir en cliquant ci-dessous:
Un manifestant défile pour porter un message, comme un blogueur, mais pas pour se faire répertorier dans les fichiers de police ou pour être identifié comme manifestant par n'importe qui sur le net, comme un blogueur...
Bien sûr, depuis le temps que le dénombrement des manifestants par les forces de police est un sujet en soi, on peut supposer qu'au ministère de l'intérieur on a bien conscience de ces techniques et on sait donc très bien les conséquences d'un décret anti-cagoule s'il était applicable et appliqué. Dès lors, si MAM (et sarkozy) ont malgré tout décidé d'aller dans cette direction sans même mentionner la problématique, on peut légitimement se poser des questions sur leurs vraies intentions.
D'ici quelque temps, on entendra donc sarkozy recycler sa rhétorique sur le thème: "Comment se fait-il que M. Truc, qui prétend avoir eu des problèmes avec la police, soit aussi quelqu'un qui se cache pour manifester et qui agit anonymement sur internet? c'est bien qu'il n'est pas tout à fait honnête!"